Colombie : 300 M$ de la CAF pour le ferroviaire | 6 corridors

La CAF finance la réactivation ferroviaire colombienne avec 300 M$. Six corridors prioritaires, études lancées. Objectif : réduire les 70% de fret routier.

Colombie : 300 M$ de la CAF pour le ferroviaire | 6 corridors

Mis à jour le 21 octobre 2025

La Colombie franchit une étape décisive dans la modernisation de ses infrastructures de transport. La Banque de développement d'Amérique latine et des Caraïbes a approuvé le 10 octobre un prêt pouvant atteindre 300 millions de dollars américains destiné au gouvernement colombien pour financer le Programme de réactivation ferroviaire, de mobilité durable et d'efficacité logistique. Cette décision intervient alors que plus de 70 % du fret intérieur du pays transite actuellement par la route, entraînant des coûts logistiques élevés qui pénalisent la compétitivité nationale.

Un financement structurant pour inverser la tendance

Le prêt de la CAF s'inscrit dans un package global de 360 millions de dollars alloué à la Colombie, dont 60 millions dédiés au secteur aéroportuaire et 300 millions au ferroviaire. Selon l'annonce officielle de l'institution financière, le programme vise à remédier à la sous-utilisation chronique du réseau ferré national. L'objectif principal consiste à augmenter significativement la part du fret transporté par rail, actuellement marginale face à la domination du transport routier.

Cette prédominance routière génère des surcoûts importants pour les entreprises colombiennes. Les infrastructures routières subissent une usure accélérée, tandis que les émissions de gaz à effet de serre du secteur transport demeurent élevées. Le gouvernement mise sur le rail comme solution à ces défis structurels.

Une stratégie gouvernementale ambitieuse sous Gustavo Petro

La réactivation du réseau ferroviaire national constitue un axe prioritaire du gouvernement colombien dirigé par le président Gustavo Petro. Le plan stratégique comprend plusieurs composantes clés : la création d'une Agence nationale des chemins de fer chargée de piloter le secteur, la modernisation de la législation et de la réglementation ferroviaires, ainsi que la désignation de projets prioritaires bénéficiant d'un financement garanti.

Le programme intègre également la promotion de technologies propres, notamment l'électrification des systèmes de transport urbains et régionaux. Cette dimension environnementale répond aux engagements climatiques du pays tout en améliorant la viabilité financière des réseaux de transport public.

En août dernier, l'exécutif a identifié six projets prioritaires représentant un investissement total projeté de 94 000 milliards de pesos colombiens, soit environ 24,2 milliards de dollars américains. Ce montant considérable témoigne de l'ampleur de l'ambition gouvernementale pour transformer durablement le paysage des transports du pays.

Six corridors prioritaires identifiés

Les projets retenus couvrent des axes stratégiques reliant les principales zones économiques et portuaires :

  • Corridor interocéanique : liaison entre océans Atlantique et Pacifique
  • OP Pacifique (Yumbo - Caimalito) : desserte zone industrielle Valle del Cauca
  • Corridor Pacifique (Buenaventura - Palmira) : connexion port-intérieur sur 120 km
  • Villavicencio - Puerto Gaitán : ouverture région des Llanos orientales
  • Région de Bogotá - Corridor ferroviaire central : axe majeur sur 393 km
  • Couloir Bogotá - Belencito : liaison capitale-département de Boyacá

Ces corridors visent à rééquilibrer les modes de transport en offrant des alternatives compétitives au transport routier, particulièrement pour le fret lourd et les liaisons interrégionales. Le corridor Buenaventura-Palmira revêt une importance particulière car il connecte le premier port du pays sur le Pacifique aux zones agricoles et industrielles de l'intérieur.

Appels d'offres lancés pour deux études de faisabilité

L'Agence nationale d'infrastructures a publié les documents d'appel d'offres pour les études de faisabilité technique de deux corridors stratégiques. Le projet Bogotá - Corridor ferroviaire central couvre 393 kilomètres avec un budget d'étude établi à 91,2 milliards de pesos. Le tronçon Buenaventura - Palmira s'étend sur 120 kilomètres pour un budget d'étude de 53,3 milliards de pesos.

Le calendrier prévisionnel fixe l'ouverture des offres au 6 novembre prochain. La signature des contrats est programmée pour le 23 décembre, permettant d'engager les travaux d'études dès le début de l'année 2026. Ces études détermineront les aspects techniques, économiques, environnementaux et sociaux des projets, étapes indispensables avant la phase de construction.

L'ANI gère actuellement trois corridors ferroviaires en exploitation : La Dorada-Chiriguaná, Bogotá-Belencito et le corridor Pacifique. Les nouveaux projets s'inscrivent dans une dynamique plus large de restauration d'un réseau qui ne compte aujourd'hui que 37 % de lignes actives, selon les données gouvernementales.

Contexte et enjeux : un réseau à reconstruire

La Colombie dispose d'environ 3 000 kilomètres de voies ferrées, mais seule une fraction demeure opérationnelle. L'entreprise ferroviaire nationale a fait faillite il y a plus de trois décennies, entraînant la quasi-disparition du transport ferroviaire de passagers et de marchandises. Cette situation a progressivement concentré les flux sur les routes, créant des goulets d'étranglement et augmentant les coûts pour les opérateurs économiques.

Le Plan de réactivation ferroviaire de 2023 avait déjà chiffré à 23,3 milliards de dollars l'investissement nécessaire pour restaurer le rail comme colonne vertébrale logistique nationale. Le financement CAF représente une première tranche concrète de ce programme pluriannuel. Les autorités tablent sur des partenariats public-privé pour compléter les financements publics et accélérer la mise en œuvre.

La géographie montagneuse du pays a historiquement favorisé le développement routier au détriment du ferroviaire. Aujourd'hui, le gouvernement mise sur les technologies modernes et les nouveaux tracés pour contourner ces contraintes naturelles. L'objectif affiché vise à porter à au moins 20 % la part du fret ferroviaire d'ici la fin de la décennie.

Ce qui change pour les usagers et les acteurs économiques

Pour les entreprises exportatrices, la réactivation ferroviaire promet une réduction significative des coûts de transport entre zones de production et ports. Le corridor Buenaventura-Palmira, par exemple, facilitera l'acheminement des produits agricoles et manufacturés vers le principal hub portuaire pacifique du pays. Les délais de transport devraient également s'améliorer grâce à des infrastructures dédiées moins sujettes aux congestions routières.

Les autorités locales des départements concernés anticipent des retombées économiques positives. Le gouverneur de Boyacá a ainsi souligné l'opportunité de transporter produits agricoles et passagers entre sa région et Bogotá en moins d'une heure grâce au futur corridor ferroviaire. Cette amélioration de la connectivité devrait stimuler les échanges commerciaux et le développement touristique.

Sur le plan environnemental, le transfert modal route-rail contribuera à la réduction des émissions de CO2 du secteur transport, l'un des principaux émetteurs du pays. L'électrification progressive des lignes, incluse dans le programme, renforcera cet impact positif. Les communautés riveraines bénéficieront d'une diminution du trafic de poids lourds sur les axes routiers locaux.