L'été noir 1985 : trois accidents ferroviaires mortels en France
Découvrez les trois tragédies ferroviaires de l'été 1985 : Saint-Pierre de Vauvray, Flaujac et Argenton-sur-Creuse. 86 morts, démission du président SNCF.

Les mois de juillet et août 1985 marquent une période tragique pour la France, ébranlée par non pas un, mais trois accidents ferroviaires dévastateurs. Cette série noire révèle les failles critiques de la sécurité ferroviaire et des communications à la SNCF. Ces trois collisions à Saint-Pierre de Vauvray, Flaujac et Argenton-sur-Creuse causent la mort de dizaines de voyageurs et entraînent des changements majeurs au sein de l'entreprise publique ferroviaire.
Mis à jour le 6 septembre 2025
Saint-Pierre de Vauvray (8 juillet 1985) : la tragédie du passage à niveau
L'incident : un train express percute un camion immobilisé
Le 8 juillet 1985, un train express reliant Le Havre à Paris via Rouen quitte la gare de Rouen à 8h56. Cette rame présente une configuration inhabituelle : la locomotive se trouve en queue de convoi, poussant les voitures au lieu de les tracter.
Filant à environ 150 km/h, le convoi percute violemment un camion immobilisé sur un passage à niveau à Saint-Pierre de Vauvray. Le poids lourd semble bloqué par les barrières de sécurité. Le chauffeur du camion avait même tenté de soulever manuellement les barrières avant de regagner son véhicule [à vérifier].
Impact dévastateur et victimes
Le mécanicien de la locomotive actionne le frein d'urgence, mais la distance s'avère trop courte pour éviter l'impact. La première voiture percute directement le camion, le projetant à une cinquantaine de mètres.
La première voiture poursuit sa course, abattant des pylônes électriques, tandis que la seconde voiture s'encastre dans une habitation. Cette collision fait huit morts, dont le chauffeur du camion et sept voyageurs du train.
L'accident révèle les dangers des passages à niveau non gardés et questionne la configuration inhabituelle du train avec locomotive en poussée.
Flaujac (3 août 1985) : une collision frontale née de l'erreur humaine
La communication fatale sur voie unique
Le 3 août 1985, dans le Lot, une autorail régional autorisé à quitter la gare de Flaujac sur voie unique entre en collision frontale avec un train Corail en provenance de Paris. Le chef de service, bien qu'informé de l'approche du Corail, commet l'erreur grave d'autoriser le départ de l'autorail régional.
Cette ligne ferroviaire ne dispose d'aucun système radio ni de signalisation, privant le chef de service de tout moyen de communication directe avec le conducteur de l'autorail une fois celui-ci parti.
Tentative désespérée et vaine d'éviter la catastrophe
Réalisant son erreur, le chef de service prend sa voiture personnelle dans une tentative désespérée de rattraper et d'intercepter l'autorail. Mais il est trop tard.
À quelques kilomètres de la gare, les deux trains se percutent de plein fouet. La motrice du train Corail s'encastre dans la première voiture de l'autorail régional, provoquant un incendie immédiat.
Incendie, secours et lourdes pertes
Les voyageurs valides tentent d'évacuer les autres passagers des voitures. Les habitants de Flaujac sont les premiers à accourir sur les lieux pour porter secours en attendant l'arrivée des services de sauvetage officiels.
L'accident de Flaujac fait 35 morts et 50 blessés. Cette tragédie souligne l'importance cruciale des systèmes de communication et de signalisation sur les voies uniques.
Tableau des trois accidents de l'été 1985 :
Accident | Date | Lieu | Cause principale | Victimes |
---|---|---|---|---|
Saint-Pierre de Vauvray | 8 juillet | Eure | Camion sur PN | 8 morts |
Flaujac | 3 août | Lot | Erreur autorisation | 35 morts, 50 blessés |
Argenton-sur-Creuse | 31 août | Indre | Excès de vitesse + collision | 43 morts, 40 blessés |
Argenton-sur-Creuse (31 août 1985) : la double catastrophe et l'horreur de minuit
Le déraillement initial : excès de vitesse vers le désastre
Dans la nuit du 30 au 31 août 1985, un train de voyageurs transportant 400 à 500 passagers déraille à un kilomètre d'Argenton-sur-Creuse. L'erreur humaine est flagrante : le convoi roule à 100 km/h dans une zone limitée à 30 km/h en raison de travaux sur la voie.
Le conducteur, réalisant son erreur, tente d'actionner le frein d'urgence. Mais le train se déstabilise dans une courbe et déraille. Seules les deux dernières voitures du train de voyageurs se retournent.
La seconde collision mortelle : l'impact inévitable du train postal
Les voitures renversées s'immobilisent au milieu de la voie adjacente. Dans le sens opposé, un train postal reliant Brive-la-Gaillarde à Paris approche dangereusement.
Le conducteur du train postal est aveuglé par les fumées du déraillement initial. Il n'aperçoit l'épave qu'au dernier moment. Malgré un freinage d'urgence, c'est en vain : la locomotive du train postal percute directement l'avant-dernière voiture du train de voyageurs déraillé.
Cette seconde collision survient à 0h08 le 31 août, transformant un accident grave en catastrophe majeure.
L'ampleur de l'urgence et le lourd tribut
Un riverain donne l'alerte dès 0h10, soit deux minutes après la collision. Les secours arrivent à 0h12. Face à l'ampleur du désastre, ils demandent l'activation du plan ORSEC (Organisation de la Réponse de SEcurité Civile), accordée à 0h15.
Les opérations de sauvetage se poursuivent durant des heures. Le dernier blessé n'est évacué du train qu'aux alentours de 7h00 du matin.
La tragédie d'Argenton-sur-Creuse s'avère la plus meurtrière des trois : 43 morts et une quarantaine de blessés.
L'été 1985 révèle les faiblesses structurelles du système ferroviaire français. L'absence de systèmes de communication modernes sur certaines lignes, les défaillances de formation du personnel et l'insuffisance des dispositifs de sécurité exposent la SNCF à des risques majeurs.
Ces accidents surviennent dans un contexte de modernisation du réseau ferroviaire français, mais soulignent que les investissements technologiques n'ont pas suivi partout au même rythme.
Les conséquences immédiates touchent la confiance du public dans le transport ferroviaire. La SNCF doit répondre aux interrogations sur la sécurité et engager des réformes profondes de ses procédures d'exploitation.
L'industrie ferroviaire française accélère le développement de systèmes de signalisation et de communication plus fiables. Les formations du personnel sont renforcées pour éviter la répétition d'erreurs humaines fatales.
Les voyageurs bénéficient à terme d'amélirations sécuritaires, bien que ces changements arrivent au prix de tragédies humaines considérables.
Choc national et changement de direction à la SNCF
La France en deuil et exigences de responsabilité
Cette série de trois accidents graves ébranle profondément la France. Cette "série noire" soulève de graves questions sur la sécurité ferroviaire et les procédures opérationnelles de la SNCF.
L'opinion publique réclame des comptes et des mesures immédiates pour éviter la répétition de telles tragédies.
La démission du président de la SNCF
Face à ces catastrophes, André Chadeau, président de la SNCF à l'époque, présente sa démission le 10 septembre 1985 [à vérifier]. Cette démission illustre la responsabilité attendue de la direction nationale ferroviaire en période de crise.
Philippe Essig, ancien directeur général de la RATP, lui succède à la tête de l'entreprise publique ferroviaire.
Leçons et héritage : réévaluer la sécurité ferroviaire en France
Importance critique des facteurs humains et technologiques
Les événements de 1985 soulignent les conséquences dramatiques de l'erreur humaine dans les opérations ferroviaires critiques, des excès de vitesse aux autorisations incorrectes. Ils révèlent le besoin urgent de systèmes de communication robustes et de technologies de signalisation avancées sur toutes les lignes, particulièrement les voies uniques.
L'absence de radio et de signalisation sur certaines lignes s'avère fatale. Ces défaillances technologiques amplifient les erreurs humaines et empêchent les corrections en temps réel.
Impact durable sur la gestion ferroviaire française
La démission hautement médiatisée du président de la SNCF démontre la responsabilité sévère attendue de la direction ferroviaire nationale en temps de crise. Cette exigence façonne les futures initiatives de gouvernance et de sécurité.
Ces accidents contribuent indéniablement à une réévaluation des protocoles de sécurité, de la formation et des investissements technologiques au sein du système ferroviaire français.
Un héritage de réflexion et de sécurité renforcée
L'été 1985 demeure un rappel tragique des vulnérabilités des systèmes complexes comme les réseaux ferroviaires. Les collisions de Saint-Pierre de Vauvray, Flaujac et Argenton-sur-Creuse laissent une marque indélébile dans l'histoire ferroviaire française. Ces désastres, enracinés dans une combinaison d'erreurs humaines, de défaillances de communication et de limitations d'infrastructure, contraignent à un examen de conscience national et stimulent finalement des avancées cruciales en matière de sécurité ferroviaire. Les leçons tirées de cette "série noire" continuent d'informer les opérations des décennies plus tard.